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27 septembre 2013 5 27 /09 /septembre /2013 08:31
Le Feu de Dieu !

 

Je ne cesse de pleurer ma sœur aînée, disparue depuis trois mois maintenant. Narimane, "feu de croyance". Son prénom raconte son histoire, celle qui croyait si fort dans la vie est partie en fumée. Ma colère est immense. J’ai des envies de meurtres.

Comment a-t-il pu lui infliger cette souffrance ? Je sens encore l'odeur terrible de sa chair brûlée.

Immolée en public, par son mari, pour avoir été regardée par un autre homme dans la rue. Elle était pourtant grillagée et voilée avec sa burqa comme il se doit, enchaînée même à son époux par une laisse. Pourquoi l’avait-il regardée ainsi cet inconnu ? Je lui en veux. Je le maudis. Je les hais tous ces hommes en quête de puissance et de pouvoir sur leur objet que nous sommes, nous, les femmes. Ils ont peur. Ils nous craignent. Ils sont faibles ces bâtards.

J’ai tout prévu. Cela fait 2 mois que je m’affaire à tout organiser en sous-marin. Personne ne se doute de rien. Je reste surtout bien docile et soumise à mon ignoble mari, ne valant pas mieux que les autres. Il menace de me faire subir le même sort que ma sœur si je venais à être regardée par un mâle en rut. Je ne sors presque plus. Quand cela m’arrive, je baisse même les yeux devant un chien errant par peur de passer sur le bûcher sans avoir pu mettre en action mes représailles. Je fais mine de craindre la vie, mon mari, les hommes. Tout en somme, mais il n’en est rien. La haine me porte. Elle me soulève même chaque jour un peu plus. Je ne pense qu'au châtiment en retour. Ils vont le payer. Je vais honorer ma défunte sœur et toutes ces femmes calcinées par ces êtres monstrueux.

En chienne maltraitée et muselée, je décide d’arranger un repas pour la communauté masculine prétextant un dîner en commémoration pour ma sœur. Trente hommes sont présents. Nous, femmes, sommes cantonnées dans la cuisine en silence. Pas une parole, pas un regard. Juste une soumission parfaite pour satisfaire ces individus dénués de toute humanité. Ils prennent du bon temps, rigolent même malgré les circonstances. L’un ose même médire ouvertement sur mon adorable et innocente sœur décédée. Ils cautionnent tous ce supplice (qui n’en est pas un pour eux) en prétendant qu’elle l’avait cherchée, qu’elle n’avait qu’à pas se montrer ce jour-là. Ils jouissent d’écouter mon beau-frère, fier de raconter en détail ses exploits d’homme viril sur la mise à mort de ma sœur.

Rien n’est épargné dans son récit : la préparation des bidons d’essence, l’allumage, les hurlements incessants, la chaleur et la hauteur des flammes, les émanations de peau grillée, le visage apeuré de Narimane avant de s’éteindre. Il exulte, jubile même d’avoir eu l’audace et le cran d’exécuter en public sa femme. Je sens la sueur, de ces mâles excités, s’élever dans le salon où ils se trouvent. Je perçois cette montée de puissance sexuelle qui les anime dans ce jeu de narration.

Ils ont soif et faim d’exaltation. Je suis appelée. Je suis là, devant eux. Je leur tends, les yeux baissés, le meilleur vin jaune de notre région afghane. Ils savourent. Ils en redemandent même. Je me plie volontiers à les resservir telle une bonne esclave. Leur discussion s’amenuise en raison du poison soigneusement administré dans la bouteille de vin. Ils finissent par se taire pour s’endormir sur leurs coussins aux effluves corporels nauséabonds. Ma rage se libère enfin par un : « Gloire aux femmes. Liberté ! ».

Leur punition peut désormais commencer. Sans plaisir, mais avec conviction et foi au peuple de femmes libres, je m’occupe de chacun d’eux. A celui qui a dénigré Narimane, je lui sectionne la langue avec le couteau à moutons méticuleusement aiguisé en cuisine quelques instants auparavant. A ceux qui ont gloussé de rire au récit de mon beau-frère, je décide de leur coudre les lèvres d’un fil blanc, symbole de pureté pour laver ma sœur. A tous les voyeurs de sa descente aux enfers ici présents, je leur plante froidement un pieu dans les yeux. Sans un bruit, je m’éloigne ensuite de la pièce, le cœur léger d’avoir pu venger la liberté des femmes, de ma soeur. Je me purifie en prenant rapidement une douche. Je prie. Je demande le pardon. Je sais que c’est mal ce que j’ai fait. J'ai honte il le fallait. Puis, j’attrape mon sac de voyage, préparé la veille. Avant de détaler, j’embrasse toutes les femmes présentes en cuisine. Elles ne disent mot mais leur cœur parle en silence. Des larmes, de soulagement et d’apaisement, s’écoulent sur leur visage. Elles m’accompagnent jusqu’à la porte. Elles me transmettent leur force, leur courage pour fuir le pays immédiatement et VIVRE. Le taxi m’attend.

Quelques minutes plus tard, me voilà arrivée à l’aéroport. Mon billet en poche, je me dirige vers l’embarquement. La délivrance m’attend après le passage à la douane ! Un homme me demande mon passeport. Je le lui tends, tête baissée toujours, pour ne pas attirer la foudre sur moi.

« Périmé » me dit-il avec un air enchanté. Je ne panique pas. Je lui demande calmement s’il en est sûr en maintenant que c’est certainement une erreur de l’administration. Une contrôleuse, ayant observé la scène de loin, s’avance brusquement vers moi, prend le relais de son collègue, et me force à entrer dans un bureau annexe. Je présume que la fin s’annonce pour moi. Ma condamnation à mort est assurée. Elle me fouille au corps puis regarde au fond de mon sac. Elle tombe sur les affaires personnelles de ma sœur dont son passeport qui lui, est en règle. Elle le lève au ciel en criant « Inchaallah ! Gloire aux femmes ! Gloire à Narimane ! » (qui signifie Feu de Croyance soit dit en passant).

J’ai eu foi. J’y ai cru. J’ai gagné mon billet vers la liberté sur d’autres contrées où la femme est respectée au même rang que les hommes. A moi la nouvelle vie ou plutôt, dirai-je « A la naissance de la Femme ! »

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commentaires

E
<br /> Bonsoir <br /> <br /> <br /> Je te souhaite une bonne et douce soirée j'espère avec du beau temps demain !! enfin c'est de saison merci pour ton partage..Samedi prochain ma journée dédicace je suis un peu angoisé c'est la 1<br /> fois ..bisous féerique Evy<br />
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J
<br /> Désolé de ne pas avoir répondu à vos commentaires! Je m'étais éclipsé un moment, mais maintenant je suis de retour! Bises!!!!!!!!!!!!<br />
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D
<br /> Je viens de lire ce texte, beaucoup de choses me viennent à l'esprit. A mon avis, nous n'avons pas évolué depuis les guerres de religions, dans n'importe quels pays... la femme qui enfante les<br /> "Hommes" est considéré comme un sous produit ... Regardez actuellement, même en France, pour ne pas déplaire, nos filles prennent le voile, et, agissent dans le même sens que leurs "hommes". Ne<br /> faut il pas faire une Vraie éducation ? Je suis abattue de vivre tout cela en 2013. Dadette<br />
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P
<br /> <br /> Je le suis aussi peinée de cet état de fait qui dure depuis des millénaires et qui n'est pas prêt de changer car ne dit-on pas que nous ne pouvons changer les gens. Ils peuvent s'amériorer dit-on<br /> aussi donc un jour peut-être mais au prix de combien de femmes sacrifiées ?<br /> <br /> <br /> merci et excellent WEnd<br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> Horrible... A quand d'autres moeurs envers ces femmes... simples choses d'Adam !! Bien à toi, jill<br />
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P
<br /> <br /> A quand d'autres moeurs ? Quand les hommes prendront conscience qu'il n'a pas besoin de se battre pour gagner sa place. Il l'a mais la femme a la sienne et qu'à 2, on est plus fort !<br /> <br /> <br /> <br />

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  • soucieuse du bien-être des autres depuis toujours mais aussi du mien depuis peu. Passionnée par l'écriture via la poésie, les récits, les nouvelles érotiques, les jeux de mots, l'humour, l'émotionnel, me suis enfin décidée à me lancer
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texte libre

Auteure d'1 année avec parution d'un de mes textes dans le RECUEIL 2012

 

http://www.thebookedition.com/l-univers-d-ailleurs-collectif-p-75653.html

 

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